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un pays fourmidable
24 mars 2017

Je travaille dans un combini - suite

IMG_20160915_071500Dans mon précédent article, je vous avais parlé de M, ce vieux monsieur à la peau abimée et aux sens émoussés. Il se trouve que l'on s'est croisés en ville une foisr. En plus du combini, il fait des livraisons en scooter. Il a le gout du risque, à moitié sourd et lent dans ses réflexes, il a choisi un job qui pourrait lui couter la vie à chaque instant. Si je parle de lui, c'est qu'il est un peu devenu une légende au boulot à force d'accumuler les bourdes.

Le boss était déjà passablement agacé par son comportement, mais rapidement, il va perdre son sang froid. Cela fait un an que M fait partie du staff. Il ne sait toujours pas bosser en cuisine alors que même-moi je m'y risque. Il n'entend pas toujours les clients rentrer et sortir et n'annonce pas à haute voix les formules de politesse qui vont bien. En caisse, il est quasiment aphone. Il parle dans sa barbe...

Lorsque le chef me parle du double check, il voit que je n'ai pas l'air au courant. Il s'agit d'une procédure consistant à faire vérifier les dates limite de consommation par deux employés différents, ce qui permet de s'assurer qu'aucun produit périmé ne reste en rayon. Le risque est de toute façon quasi nul, car tout produit périmé passant en caisse génère un message d'erreur qui empêche la vente. Jusqu'ici, M. m'avait dit de faire une partie du rayon et lui faisait le reste. Comprenant que M. n'a pas respecté la procédure et ne me l'a pas enseignée, le boss enrage envers lui-même et contre M. Cette fois-ci, il va prendre les choses en main. Il va chercher le manuel des procédures du combini. Il l'ouvre à la page de "l'accueil des clients" pour nous faire réviser les expressions, le volume de la voix, la conformité de l'angle de la courbette et la position des mains. En temps normal, c'est moi le plus gauche, mais là, je vois la mine du patron se décomposer et je sens que ce pauvre M. va passer un sale quart d'heure. Côte à côte, M. et moi effectuons les courbettes et on n'entend que moi. M. rate tout. Le boss commence à hausser le ton. Il l'engueule méchamment, ne trouvant pas normal qu'un employé présent depuis plus d'un an, ne soit pas capable de réaliser correctement les phrases et gestes d'accueil et ne suive pas la règle du double check. Sous les reproches, M. propose au boss de faire son dogeza, courbette ultime à réaliser à genoux quand on doit implorer le pardon pour une faute gravissime. Le boss l'en empêche. Cela serait trop facile qu'il s'en sorte ainsi. M. s'excuse mollement. Difficile de dire s'il est sincère. Je pense qu'il en a vu d'autres et aura oublié l'incident, contrairement au boss qui voit sa carrière liée au bon fonctionnement du combini. Ce dernier retourne dans son local pour y ruminer sa rage... On sent que M. n'en a plus pour longtemps...

Le travail reprend, mais M. va encore se distinguer. Comme tout employé de combini, il sait qu'il doit vérifier l'âge des jeunes qui demandent du tabac. Moi-même, j'ai refusé une vente face à un mineur qui ne pouvait pas me prouver son âge. Le truc, c'est que si un parent porte plainte contre le magasin pour vente de tabac à un mineur, c'est notre contrat qui saute. M. le sait mais il ne demande pas de pièce d'identité. S'il est à sa caisse, je ne m'en occupe pas, mais un jour, il est venu m'aider en caisse et la fille devant nous était clairement mineure. Voyant qu'il allait lui donner du tabac, j'ai carrément quitté la caisse pour que la caméra ne me filme pas avec lui à ce moment. M. est un inconscient.

Mais ce n'est pas encore la plus grande faute de M. Il a fait mieux et un soir où je n'étais pas là. Cet incident magistral survenu une nuit a fait de lui le sujet des conversations de toutes les équipes qui se relaient au combini.

Chaque soir, un camion passe pour nous livrer les nouveaux mangas et magazines. On les met en rayon et on jette les anciens. Difficile de savoir ce qui lui a pris : M. a jeté pour 130 000 yens de bouquins qui étaient à mettre en rayon. Commment a-t-il fait son compte ? Je l'ignore. Le boss est arrivé à un tel niveau de rage qu'aucun mot ne sortait plus de sa bouche. 130 000 yens, c'est probablement ce que M. gagne par mois en tant qu'employé à temps partiel. Suite à l'incident, je n'ai presque plus jamais revu le boss, cloitré dans son local.

A ce moment, je ne suis pas le seul à penser que M. est fait comme un rat. Le boss veut le remplacer à tout prix.

Les jours passent, les semaines passent. M. est toujours là. Le boss doit admettre la situation : impossible de trouver un employé sur la plage horaire 0h - 6h... et ce qui devait arriver arriva :

M. a eu raison du boss. Les gérants de combini sont régulièrement appelés à changer de boutique. M. est donc toujours employé alors que le boss s'est vu confier une nouvelle mission ailleurs....

 

Les jours passent... on me dit que le nouveau boss ne devrait pas tarder. Je ne sais rien sur lui, ni son nom, ni son âge. J'espère qu'on ne l'aura pas sur le dos tout le temps et qu'il ne va pas sortir le manuel de procédure pour nous faire marcher au pas. Un soir, N, l'employée trisomique, me sort " ça y est ! le boss est là ". La porte s'ouvre ; la personne entre rapidement avec un large sourire, nos regards se croisent et je réalise deux choses : personne ne m'avait dit que ce serait une femme. Les mots n'ayant pas d'articles, je pouvais pas savoir qu'il s'agissait d'une boss. La deuxième chose, c'est qu'au moment où nos regards se sont croisés, j'ai mon cerveau qui a lancé une alerte. Cela n'arrive que lorsque j'ai affaire à un regard de prédateur.

Généralement, je ressens cette alerte face à un commercial agressif, un voleur ou bien un pervers narcissique.

"La" nouvelle boss file au local. J'imagine que c'est pour vite enfiler l'uniforme de la société. Elle repasse devant moi, et mon cerveau relance l'alerte.

Je la jauge un instant. C'est une jeune femme, dans la vingtaine, apparemment sportive, en bonne santé. Elle est probablement à l'apogée de ses charmes. Son regard et son sourire me laissent penser qu'il s'agit d'une personne ambitieuse, utilisant la séduction pour parvenir à ses fins. Je connais ce profil et du coup je suis déjà sur mes gardes.

Alors qu'elle était censée se changer pour être comme nous en chemise à manche courte aux couleur de la maison, je la vois effectuer une chorégraphie incroyable. A ce moment-là, j'ai le titre de Joe Cocker "You can leave your hat on" en tête. Elle prend le temps d'attacher langoureusement ses cheveux mi-longs, remonte les manches de sa chemise d'office lady, une chemise blanche si fine qu'elle laisse transparaître ses dessous. Elle prend un balai et entreprend de laver énergiquement les rayons du combini, cambrant ses hanches devant tout le staff masculin (moi seul en fait). Lorsqu'elle a fini, elle arrive tout sourire devant moi, avec des perles de sueurs ça et là, fière de sa petite comédie et fait sa présentation en bonne et due forme.

On va l'appeler A. A étant la première lettre de son nom.

A. retourne dans son local. Alors qu'elle est censée venir m'aider en cuisine ou en caisse, je ne la vois quasiment pas. Je l'imagine en train de regarder les vidéos de surveillance et prendre la température en écoutant les discussions entre, N. M. et moi, puisque tous les sons de ce qui se passe dans le combini sont enregistrés. Elle finit par sortir assez tard du local, alors que j'ai déjà fait le gros du travail et que le gros des clients matinaux sont déjà passés. Toujours tout sourire et avec un petit penchement de la tête sur le côté, elle s'excuse de ne pas avoir été là juste avant. C'est donc ainsi qu'elle s'y prend. Elle utilise son charme sur les hommes pour esquiver des tâches. C'est du propre... Moi, cela ne me gène pas. Ainsi, je n'ai pas de boss sur le dos.

De son côté, elle va se renseigner sur mon compte, apprendre où je bosse les autres jours. Toujours avec ce regard de séductrice, elle me demande un jour si elle peut m'accompagner au magasin en question. Elle a noté mon numéro de téléphone exprès. Je vois N. intéressée par le sujet mais elle n'avait jamais osé me le demander. Je dis à A. de donner aussi mon numéro à N. Si elles veulent m'accompagner, il n'y a pas de souci. Je sens bien que je suis pour elle un outil comme un autre, elle doit faire le coup à tout le monde. Je l'imagine avec un homme faible et manipulable. Ce n'est pas ce qui manque ici. Bref, la nouvelle chef est dans la place, c'est une croqueuse d'homme et une manipulatrice. ça promet...

Autre point sur lequel j'aimerais revenir : Les produits approchant de leur date d'expiration. J'avais dit il y a très longtemps, que plutôt que de les jeter, ils étaient mis en promo, puis j'avais fait un erratum puisque cette procédure n'existait pas là où je travaillais. Donc, erratum de mon erratum. Maintenant, il y a bien une cagette contenant les invendus proches de leur DLC ou encore comestibles après (comme les sucreries).

 

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