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un pays fourmidable
23 avril 2011

Nagoya et les événements de mars-avril 2011…

Cela fait quelques temps que je n’ai pas donné de nouvelles. Les récents événements n’ont pas vraiment été propices à la rédaction de posts… Entre, le séisme, le tsunami, les incidents nucléaires et la médiatisation de tout ça, difficile de trouver de l’inspiration…

Lors du séisme, j’étais dans le plus gros batiment de la ville. Je donnais un cours privé quand mon élève s’est mise à avoir la nausée. Etant donné que j’ai été pris de vertige au même moment, cela peut paraître idiot mais sur le coup, j’ai pensé à une fuite de gaz ou une intoxication alimentaire. Les dames assises à côté continuaient de papoter comme si de rien n’était, mais en regardant les employées du lieu accrochées à ce qu’elles pouvaient, j’ai vite compris qu’on était en plein séisme. Il n’y avait plus qu’à attendre que ça passe.

A 600 kilomètres de l’épicentre,  on n’a finalement subi qu’un séisme de force 3 ou 4. C’était franchement de la rigolade à côté de ce qu’ont dû subir les gens du Tohoku. Néanmoins, la sensation d’être sur un bateau ivre est très désagréable, surtout quand cela dure plus de 30 secondes. La sensation est amplifiée par un tangage assez curieux provoqué par la structure anti-sismique du batiment : on est remué dans toutes les directions ceci afin d’absorber la pression subie, du moins c’est l’impression que ça donne.

Une fois le séisme passé, la dame de la table voisine s’arrête et sort à son amie : “ Tiens, ça a pas bougé, là ? ”. Alors que mon élève est encore sous le choc, prête à fondre en larmes, et que les employées se regardent en se demandant si ça va reprendre…. Je la laisse un peu reprendre ses esprits, mais le cours reprend peu de temps après, car la langue française n’attend pas. Ce n’est qu’à la fin du cours que je quitte l’imposant bâtiment pour aller chercher l’édition spéciale du journal distribuée gratuitement dans la rue à chaque crise, qui m’apprend que l’Est du Japon est dévasté par un séisme historique.

De mon côté, le téléphone a vibré plusieurs fois. J’ai reçu pendant mon cours des SMS de France, me demandant si je vais bien. Cela permet de se faire une idée des connaissances géographiques des Français sur le Japon. Quand il se passe un truc à l’autre bout du Japon, on me demande souvent si je m’en suis sorti. Ben oui, vous vous attendiez à quoi ? Je vais pas réveiller mon cousin ch’ti si Toulouse explose… le Japon n’a que la superficie de l’Italie mais étalée sur des latitudes qui vont de Cuba au Québec. Il faut arrêter de croire qu’on est tous impactés par la catastrophe. En tout cas, juste après le séisme, le réseau softbank est vite devenu saturé, et il m’a été impossible de répondre aux messages, ce qui n’a pas dû rassurer mes amis.

Bref, le lendemain, pensant qu’on en avait fini avec cette catastrophe naturelle, on s’est donné rendez-vous avec quelques francophones pour causer et déguster des mets locaux dans un boui-boui qui veuille bien de nous. On n’était bien loin de se douter qu’une crise de type nucléaire allait nous tomber dessus. En fait, ce qui a surtout changé à partir de ce jour, ce sont les nouvelles demandes d’amis via facebook. Soudainement, les anciens collègues de l’hexagone reprenaient contact. Tout a coup, on s’est souvenu que j’étais au Japon.  C’est une bonne chose, car à l’époque où j’étais encore au pays, on me demandait si ça avançait bien mon projet pour aller en Chine. Là, ils ont bien imprimé que je suis au Japon, grace à une couverture médiatique quotidienne. Les journalistes n’y sont pas allés de main morte. Ils ont carrément présenté au Français, la mort programmée d’un pays en direct, mettant tout le monde dans le même paquet. Tout le monde s’est imaginé que j’allais manquer d’eau, de courant et que ma vie était maintenant en danger…

Essayons de faire le point sur le vrai et le reste car on a vraiment entendu tout et n’importe quoi. Tout d’abord, certains points inquiétants et avérés :

-la société Tepco ne donne pas d’info dans les temps, ne montre pas le réel niveau de danger de l’incident, et n’est pas capable d’informer le public sur ce qui se passe. On a là une belle brochette de mafieux besognieux qui cachent leurs erreurs et paniquent dès qu’ils sortent de leur routine. J’ai failli m’énerver quand j’ai entendu leur porte parole expliquer que les chiffres reçus étaient difficiles à expliquer au grand public. Ils ont réussi à tenir des conférences de presse de plusieurs heures sans annoncer clairement ce qui se passe. De vrais têtes à claque. La réelle raison, c’est qu’ils ont toujours été habitués et encouragés à travailler dans un milieu opaque où les informations n’arrivaient jamais jusqu’au grand public. Difficile de sortir de ses mauvaises habitudes…

-le gouvernment a sciemment sous estimé le niveau d’alerte pour minimiser la crainte de la population, ne pas impacter le commerce, et ne pas inquiéter les grandes puissances. Cela la fout mal de dire au monde qu’on ne contrôle plus rien alors qu’on est connu comme la première puissance scientifique. Ils ont aussi attendu trop longtemps pour appeler les Occidentaux à la rescousse. Là aussi, il y a eu le même problème de fierté constaté pendant le tremblement de terre de Kôbé : il était préférable de sacrifier des vies humaines plutôt que d’accepter l’aide des sauveteurs français prêts à débarquer sur les lieux. Raison invoquée : risque de problème de compréhension entre les sauveteurs nippons et français. Raison réelle : le Japon est la 2e puissance mondiale.

Cette fois-ci, le problème était que le pays de Gundam, Macross et Goldorak n’a pas de robots adaptés pour certaines tâches liées aux incidents nucléaires. Un comble pour un pays comme le Japon. Il a fallu que le gouvernement réalise que Tepco avait perdu le contrôle de la situation pour qu’on en vienne à faire appel à ce pays agricole qu’est la France. De ce côté, la fierté des Japonais en a pris un coup : je constate que leur colère est maintenant tournée contre ce gouvernement trop veule, trop conciliant avec Tepco, et abusant de vocabulaire apaisant en totale contradiction avec la situation à Fukushima. “L’alimentation est propre à la consommation” qu’ils disaient…. Quelques centaines de coups de latte seraient bien méritées pour cette annonce mensongère.

-les médias japonais ne sont pas très bavards sur les niveaux de radioactivité présents dans l’alimentation. Un site officiel nous informe des isotopes détectés dans l’atmosphère, mais alors que les Chinois et Américains se plaignent de denrées contaminées, on ne nous parle que d’eau sur Tokyo et de laitue légèrement contaminée. On nous assure que tout cela reste dans une fourchette de radio-activité normale, c’est à dire avec un niveau de radiation existant dans la nature. Ce n’est pas parce qu’une zone a naturellement un haut niveau de radio-activité qu’elle est habitable sans danger. Ce détail est évidemment occulté. Résultat, les rumeurs vont bon train au Japon concernant le risque de voir tous les aliments de l’Est du Japon contaminés. Il faut savoir qu’au Japon l’étiquetage n’est pas aussi strict qu’en Europe. L’origine des produits n’est pas explicitement marqué. Souvent, c’est l’adresse du fabricant à tokyo qui est marquée, permettant de faire vendre des produits “made in Japan” alors qu’ils sont sous-traités en Chine… Autant dire que manger dans un restaurant, c’est carrément jouer à la roulette russe. On ne sait pas d’où viennent les aliments. C’est l’Est du Japon qui produit la majorité des fruits, du porc, du lait. Rien n’est fait pour rendre plus transparent l’étiquetage. La raison, ne pas impacter l’économie et l’industrie agro-alimentaire. (Récemment, j’ai failli me faire avoir en cherchant des saucisses. Ils avaient mis des saucisses de porc d’Iwaki. J’ai vite reposé le paquet pour prendre des saucisses du Kansaï.)

-Les étalages vides. Certains l’étaient et même à 600km de Sendai comme ici. Cela concerne le pain, les céréales, le riz (quoique le réapprovisionnement suive un peu mieux la demande de riz) et les soupes instantanées. Effectivement, pendant quelques semaines on a constaté que ces produits partaient plus vite. A Tokyo, c’est aussi l’eau en bouteille qui est venue à manquer, dixit deux amies japonaises vivant dans la capitale. On est bien loin de la pénurie totale et de la famine. Les Japonais étant habitués à se préparer à l’éventualité d’un séisme, ils ont toujours un petit stock de gâteaux secs qu’ils finissent par manger avant la date de péremption. ça part comme des petits pains (si vous voulez percer au Japon : lancez une boite de biscuits secs pas bons et pas chers. Vous trouverez acheteur quand même) Le papier toilettes et les mouchoirs en papier ont été dévalisés. Maintenant ça va mieux. La crise n’est toujours pas passée, mais les consommateurs semblent s’être habitués à l’épée de Damoclès quotidienne. Ils font moins de provisions maintenant et les distributeurs ont enfin imposé des quotas (4 soupes instantanées par personne). Seules les piles sont difficiles à trouver un mois après le séisme.

Maintenant, je lis aussi des choses assez inexactes sur l’attitude des Japonais face à la crise. D’abord ce sont les éloges faites par rapport au sang froid des Japonais, un peuple courageux et uni dans la douleur qui préfère vivre humblement par respect pour les victimes du tsunami… Sur ce point, j’ai du mal à interpréter de la même façon que les journalistes. Bien sûr, ici, on est à Nagoya : la distance de Fukushima joue beaucoup, j’imagine que dans l’Est, la cohésion et l’entraide sont de rigueur, mais ici, je trouve que la mobilisation est très médiocre par rapport à la gravité de la crise. Le weekend, les magasins et quartiers animés ne désemplissent pas.  Il doit bien y avoir des collectes dans les sociétés, mais cela n’a pas empêché les Japonais de chanter et boire sous les cerisiers comme chaque année. Les fêtes de fin d’année scolaire ont eu lieu comme d’habitude, et les weekends bien arrosés sont toujours à l’ordre. La (sur)consommation règne toujours sur l’archipel. Toutes ces mauvaises nouvelles à la télé, ça file le cafard. C’est tellement plus cool de s’attabler à la terrasse d’un café à la mode en exhibant son nouveau sac Vuitton et en commandant des macarons Ladurée. Les parvenus de Nagoya n’ont pas remis en cause leur façon de vivre et de consommer. Loin de là.

C’est pourquoi, j’ai trouvé les mouvements de solidarité envers le Japon à la limite de l’indécence. On aide le Japon, alors qu’il reste tant à faire à Haïti. Là-bas, ils n’ont quasiment rien reconstruit. Au Japon, les travaux ont déjà commencé. Le BTP est ravi, l’entreprise tourne à plein régime et les commandes peuvent s’étaler à long terme. L’avenir sourit au secteur du bâtiment…

Concernant la communauté française, elle est régulièrement tenue au courant par l’ambassade. Je ne savais pas trop quoi penser du rapatriement de certains Français par avion, aux frais du contribuable. Au début, je n’étais pas trop pour, mais comme l’ambassade l’a signalé, c’était une mesure “préventive”. Si la situation venait à dégénérer sur la capitale, de nombreux ressortissants auraient été livrés à eux-mêmes. Imagine-t-on des personnes âgées se battre pour leur propre nourriture ? Dans des conditions critiques, le gouvernement japonais aurait-til été enclin à nous distribuer de la nourriture alors même que m’approcher d’un plat préparé “en solde” me vaut le regard courroucé des clients japonais ? Donc, je dis oui, le gouvernement a plutôt eu raison de se préoccuper du sort de ses ressortissants. Je regrette juste qu’on n’ait pas aidé les autres francophones ou européens. Les pauvres Belges ont été rapatriés par le bon vouloir des Espagnols qui leur ont fait de la place alors qu’il restait des places libres dans les avions français. Soit on aide, soit on aide pas, mais la solidarité dans de telles conditions ne doit pas se faire en fonction de la nationalité. Je me vois pas dire à un Luxembourgeois ou à un Belge, “bon, ben je me casse, mon pays vient me chercher.” La honte de les laisser dans la merde.

Quant à ceux qui n’avaient pas d’enfants à protéger mais la force de se battre pour de la nourriture et qui ont profité de l’occasion pour rentrer au pays gratuitement, je les laisse face à leur conscience, et au regard désapprobateur de ceux qui vont les retrouver au Japon quelques semaines plus tard.

Fait inquiétant : Des chercheurs de l’université de Tokyo ont été consultés pour donner leur avis sur le nucléaire et la gestion de la crise. Il apparait que la célèbre université pense qu’on peut s’en sortir et que le nucléaire est maîtrisable. Les médias ont bien transmis leur opinion, mais lorsque les chercheurs de Kyoto ont exprimé leur désapprobation et ont souhaité remettre en cause le nucléaire, ils ont été ignorés par les médias et individuellement, ont été surveillés par les renseignements généraux… Cet incident n’apparait nulle part sur le net et m’a été raconté par un Japonais qui lit de petits journaux indépendants.

Autre fait inquiétant, mais cette fois-ci bien relayé par un grand journal : les élections municipales de Tsuruga.  Cette ville située dans le département de Fukui est dotée de 4 réacteurs nucléaires. Pour ces élections, 4 politiciens sans appartenance politique ont présenté leur candidature. Malgré les récents événement, il se trouve par le plus grand des hasards que les 4 candidats sont pro-nucléaires. Heureux hasard… Aucun d’eux ne propose une sortie du nucléaire. Cela montre le clientélisme entre la classe politique et les professionnels du nucléaire. Les habitants sont furieux de voir qu’aucun candidat ne propose autre chose que de vivre à côté de ces centrales…

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Commentaires
C
bien envoyé,c'est fou ce que les gens peuvent être naïfs!
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S
(vous donnez des cours de français dans une salle où des femmes parlent à la table d'à côté... très étrange.)<br /> <br /> Et oui, cela s'appelle "donner un cours privé dans un restaurant". Je le fais une fois par semaine. <br /> <br /> <br /> ("faites des gâteaus secs et pas bons, vous les vendrez" c'est effectivement montrer oh combien vous n'êtes pas intégré au japon ni à l'esprit japonais...)<br /> <br /> Sur ce point, je suis formel : les Japonais m'ont confirmé qu'ils étaient nombreux à conserver des biscuits secs, pas particulièrement délicieux. Cela ne vous permet pas de juger de mon intégration ici... <br /> <br /> (les japonais ne sont pas disciplinés ? ben voyons;)<br /> Vous avez une image biaisée du Japon. Ici, c'est un bordel organisé. On traverse un peu n'importe comment, on gare son vélo n'importe où, les vieux roulent sans regarder à gauche à droite, et on vole les parapluies et les vélos. ça, c'est du vécu loin de vos clichés.<br /> <br /> (L('aide de la france,, ce pays agricole ? ah ah de quelle France parlez-vous, )<br /> <br /> Je cite les manuels scolaires japonais. Prenez-vous en à leur ministère de l'Education.<br /> La France est présentée comme un pays agricole.<br /> <br /> (Vos propos sont hélas incohérents et discriminatoires pour apprécier la fiabilité de ce que vous racontez..)<br /> <br /> Vous avez probablement bien d'autres sites qui vous permettront de rester dans vos clichés de bisounours. Allez-y faire un tour. Tous ces gaijins, de peur de voir l'image du pays de leur rêve égratigné, entretiennent les clichés à la con, et vous cacheront le fait que dans la vie courante ils n'arrivent pas à trouver d'appart seuls, ont besoin de garants pour toute procédure, on leur répond en anglais quand ils osent négocier en japonais, et dans les transports, les places se vident toujours autour d'eux...<br /> Continuez de croire en vos chimères et de donner des leçons en tant qu'anonyme. On voit que vous n'y connaissez pas grand chose de toute façon.
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L
Vo propos sont douteux quant à votre apréciation des japonais... Un tantinet discriminatoires... "faites des gâteaus secs et pas bons, vous les vendrez" c'est effectivement montrer oh combien vous n'êtes pas intégré au japon ni à l'esprit japonais...<br /> etrange : vous donnez des cours de français dans une salle où des femmes parlent à la table d'à côté... très étrange.<br /> les japonais ne sont pas disciplinés ? ben voyons;.. il suffit de comparer les inondations dans le sud-est de la France l'année dernière et le tsunami de semapi pour constater qui est "bordélique" malhonnête et couard...<br /> L('aide de la france,, ce pays agricole ? ah ah de quelle France parlez-vous, celle du 17e siècle ? c'est vrai qu'on a environ cinquante ans de retard comparé au japon !<br /> Vos propos sont hélas incohérents et discriminatoires pour apprécier la fiabilité de ce que vous racontez... Dommage...
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B
L'université de Tokyo (entre autres...) et certaines chaînes télé (Fuji pour ne pas la nommer) sont noyautées par des partisans du lobby pro-nucléaire. D'ailleurs c'est intéressant de voir comment les Américains ont réussi à vendre le nucléaire au gouvernement japonais...<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=EbK_OlzTaWU
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